La réparabilité et sa suite logique, à savoir la réparation, s’inscrivent dans un contexte législatif
assez large. Nous mettons en valeur ci-dessous quelques articles de loi, qui vont de la lutte
contre l’obsolescence programmée jusqu’au « droit à la réparation » en passant par l’indice de
réparabilité obligatoire (lequel se transforme dès cette année en indice de durabilité).
● Le délit d’obsolescence programmée
La première définition légale de l’obsolescence programmée a été donnée en 2015 par la loi de
transition énergétique pour la croissance verte, qui en a fait un déli passible de sanctions.
Cette définition a été simplifiée en 2021 par la loi visant à réduire l’empreinte environnementale
du numérique, afin de rendre cette pratique plus facile à déceler et à prouver en cas de litige.
Voici sa définition actuelle et les sanctions associées :
« L’obsolescence programmée se définit par l’ensemble des techniques, y compris
logicielles, par lesquelles le metteur sur le marché d’un produit vise à en réduire
délibérément la durée de vie.
Ce délit est puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 €
d’amende. Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux
avantages tirés du manquement, à 5% du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur
les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. »
● L’indice de réparabilité obligatoire
Pour les équipements électriques et électroniques mis sur le marché en France, le calcul et
l’affichage d’un indice de réparabilité ont été rendus obligatoires par l’article 16 de la loi AGEC
(Anti-Gaspillage et Economie Circulaire) du 10 février 2020.
L’obligation de calculer cet indice pour chaque modèle – selon un système de notation
particulier, défini pour chaque catégorie de produits visée – pèse sur les épaules du producteur
ou de l’importateur, quel que soit le pays dans lequel il se trouve.
Et l’obligation d’afficher la valeur de cet indice afin qu’elle soit visible par le consommateur au
moment de l’achat pèse sur les épaules du distributeur ou du vendeur.
C’est donc un outil de transparence, destiné à informer le consommateur sur le caractère plus
ou moins réparable du produit qu’il achète. Par ricochet, les producteurs sont incités à faire des
efforts d’éco-conception et à « ouvrir le jeu » de la mise à disposition des pièces détachées et
de la documentation relative à la réparation. On peut en effet anticiper que les producteurs
seront soucieux de confronter « honorablement » les scores de leurs modèles à ceux de leurs
concurrents.
A ce jour, 9 catégories d’équipements électriques et électronique sont concernées par cet indice
de réparabilité : les laves-linges à chargement frontal, ainsi qu’à chargement par le haut, les
lave-vaisselles, les téléviseurs, les ordinateu rs portables, les smartphones, les aspirateurs, les
tondeuses à gazon électriques et les nettoyeurs haute pression.
A partir de 2024 – toujours en application de l’article 16 de la Loi AGEC – l’indice de réparabilité
doit se transformer en indice de durabilité, également obligatoire – en procédant catégorie de
produits par catégorie de produits. La dimension réparabilité subsiste dans cet indice plus
global, qui intègre des nouvelles dimensions :
la fiabilité, la robustesse et l’évolutivité.
Les premières catégories concernées par cette transformation sont les lave-linges et les
téléviseurs.
A noter : un projet français concernant les smartphones a dû être retiré à la demande de la
Commission européenne, à qui tous les projets de réglementation nationale sont soumis. La
raison invoquée par la Commission européenne est la sortie d’une réglementation européenne
touchant certains aspects de la réparabilité et de la durabilité des smartphones et des tablettes.
Certains journalistes y ont vu « une reculade de la France », alors qu’il s’agit en fait d’une
discipline européenne élémentaire : une réglementation nationale doit s’effacer quand sort une
réglementation européenne portant sur le même sujet.
● Le fonds de réparation et le fonds de ré-emploi
Comme leurs dénominations complètes l’indiquent, ces deux fonds créés par la Loi AGEC de
2020 sont destinés au financement – via les éco-organismes – de la réparation d’une part, et du
ré-emploi d’autre part. Le premier donne lieu au « bonus réparation » dont peuvent profiter les
consommateurs qui confient la réparation d’un appareil en panne à un réparateur professionnel
labellisé « Quali-Répar ».
Bien que le ré-emploi ne soit pas directement lié à la réparabilité ou à la réparation, nous les
traitons ici « à égalité », vu leurs similitudes… et leur proximité dans l’optique de l’économie
circulaire.
● La réparabilité comme caractéristique essentielle des produits
Une disposition méconnue de la Loi AGEC (parmi d’autres, tout aussi méconnues, car cette loi
comprend au total 130 articles !) est que la réparabilité est devenue une « caractéristique
essentielle » des produits, au sens du Code de la Consommation. Elle se trouve à l’article 25
(dont on verra ci-dessous qu’il est assez riche, même s’il occupe peu de lignes…).
Cela a des implications que pourront mettre à profit les consommateurs – ou leurs associations
– pour défendre leurs droits en cas d’une déception après l’achat d’un produit qui se prétendrait
à tort facile à réparer !
● L’interdiction des entraves à la réparation et une relative sécurité juridique pour les fabricants
qui assument « l’auto-réparation ».
Ces deux sujets sont abordés dans l’article 25 de la Loi AGEC.
Les libellés étant assez courts, nous vous recommandons de les lire dans le texte (ci-dessous).
Comme on dit : « nul n’est sensé ignorer la loi » – alors lancez vous !.
Lire un texte de loi peut être un plaisir, mais si, mais si !
QUELQUES EXTRAITS DE LA LOI AGEC
(Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire)
Article 16 [modifiant le Code de l’environnement]
Après l’article L. 541-9 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 541-9-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 541-9-2.-I.-Les producteurs, importateurs, distributeurs ou autres metteurs sur le marché
d’équipements électriques et électroniques communiquent sans frais aux vendeurs de leurs produits ainsi qu’à toute personne qui en fait la demande l’indice de réparabilité de ces équipements ainsi que les paramètres ayant permis de l’établir. Cet indice vise à informer le consommateur sur la capacité à réparer le produit concerné.
« Les vendeurs d’équipements électriques et électroniques ainsi que ceux utilisant un site internet, une plateforme ou toute autre voie de distribution en ligne dans le cadre de leur activité commerciale en France informent sans frais le consommateur, au moment de l’acte d’achat, par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre procédé approprié de l’indice de réparabilité de ces équipements. Le fabricant ou l’importateur est chargé de mettre ces informations à la disposition du public par voie électronique, dans un format aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé sous une forme agrégée. Un accès centralisé à ces données peut être mis en place par l’autorité administrative selon des modalités
précisées par décret. Le vendeur met également à la disposition du consommateur les paramètres ayant permis d’établir l’indice de réparabilité du produit, par tout procédé approprié.
[…]
« II.-A compter du 1er janvier 2024, les producteurs ou importateurs de certains produits communiquent sans
frais aux vendeurs et à toute personne qui en fait la demande l’indice de durabilité de ces produits, et les paramètres ayant permis de l’établir. Cet indice inclut notamment de nouveaux critères tels que la fiabilité et la robustesse du produit et vient compléter ou remplacer l’indice de réparabilité prévu au I du présent article lorsque celui-ci existe.
[…]
Article 25 [modifiant le code de la consommation]
I.-Le chapitre unique du titre IV du livre IV du code de la consommation est complété par des articles L. 441-3 à L. 441-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 441-3.-Toute technique, y compris logicielle, par laquelle un metteur sur le marché vise à rendre impossible la réparation ou le reconditionnement d’un appareil hors de ses circuits agréés est interdite.
« Un arrêté définit la liste des produits et les motifs légitimes, notamment la sécurité ou la santé des utilisateurs, pour lesquels le professionnel n’est pas tenu par cette obligation.
« La réparabilité du produit est considérée comme une des caractéristiques essentielles du bien ou du service tel que défini aux articles L. 111-1 à L. 111-7 du présent code.
« Art. L. 441-4.-Tout accord ou pratique ayant pour objet de limiter l’accès d’un professionnel de la réparation aux pièces détachées, modes d’emploi, informations techniques ou à tout autre instrument, équipement ou logiciel permettant la réparation des produits est interdit.
« Art. L. 441-5.-S’il a conçu son appareil en prévoyant les cas d’autoréparation et s’il a donné les consignes de sécurité adéquates pour qu’un utilisateur puisse réaliser une autoréparation, le fabricant ne peut être tenu responsable d’un dommage survenu lors d’une autoréparation dans la mesure où ce dommage est lié à une maladresse de l’utilisateur ou au non-respect par ce dernier des consignes de réparation du produit. »
[…]
Extraits de l’article 62, modifiant le Code de l’environnement
Art. L. 541-10-4.-Dans le cadre de leur objectif de prévention des déchets mentionné à l’article L. 541-10, les
éco-organismes et les systèmes individuels des filières concernées participent au financement des coûts de réparation effectuée par un réparateur labellisé des produits détenus par des consommateurs.
« A cette fin, chaque éco-organisme et chaque producteur en système individuel créent un fonds dédié au financement de la réparation. Ces fonds peuvent faire l’objet d’une mutualisation au sein d’une même filière et entre filières sur décision des éco-organismes et des producteurs en système individuel concernés.
[ …]
Art. L. 541-10-5.-Dans le cadre des objectifs de prévention des déchets et de développement du réemploi et de la réutilisation prévus à l’article L. 541-10, chaque éco-organisme et chaque producteur en système individuel créent un fonds dédié au financement du réemploi et de la réutilisation. Ces fonds peuvent faire l’objet d’une mutualisation au sein d’une même filière et entre filières sur décision des éco-organismes et des producteurs en système individuel concernés.
[…]